L'intimité de Melle Dupuy

J'ai retrouvé dans les archives la description (fidèle?) de l'intérieur d'un logement meublé à Dakar, celui de Melle Dupuy.

Ce rapport de police date de 19 mai 1917, l'Afrique occidentale prend part au conflit mondial tandis que se rigidifient les politiques migratoires et que les secours en argent destinés aux indigents se font plus rare... 

"La solliciteuse qui jouit d'une santé parfaite, occupe à l'étage un logement meublé avec tout le confort nécessaire. Un lit à deux places avec garnitures en dentelles, couverture piquée, une table de toilette avec garnitures en dentelles, une armoire peinte en blanc, un buffet étagère garni de vaisselle, deux fauteuils en osier, six chaises dont deux cannées, deux tables, deux glaces, des nattes en guise de tapis, et tous les ustensiles pour la toilette intime se trouvent dans cette pièce. La tenue plutôt coquette de Melle Dupuy ne permet pas malgré ses 43 ans, de faire croire qu'elle soit réellement nécessiteuse. Notamment lorsqu'on remarque qu'elle porte encore des bracelets en argents et des boucles d'oreilles en or, et qu'après enquête on apprend que la dette qu'elle a contractée chez son épicier comprend des fournitures de quinquinia Dubonnet et de Vin." 

En insistant sur le superflux décoratif de l'intérieur de Melle Dupuy (dentelles, garnitures), l'auteur de ce rapport cherche à montrer l'incongruité de la demande de secours formulée par la demoiselle : pourquoi lui accorder ce secours en argent si la demandeuse vit dans l'excès ?

Mais, il nous livre aussi, par cette minutieuse description de la pièce, une première réponse à notre questionnement sur la réalité de l'indigence européenne dans la colonie.

Toutes ces femmes ont peut être été classées dans la catégorie juridique d'indigente, mais elle ne l'ont pas forcément été dans la réalité, dans les pratiques. Retenons donc bien l'écart entre les catégories juridiques et la réalité des pratiques...